C’est ça qui est la vérité

De Magic System

Magic System à l'épreuve du troisième album
Print Friendly, PDF & Email

Au menu de C’est ça qui est la vérité de Magic System, douze titres inédits et deux bonus. Au risque de se disperser, les garçons d’Abidjan ratissent large pour convaincre critiques, médias et surtout l’auditoire hétéroclite gagné depuis 2001 avec  » 1er Gaou « , le gros tube de leur deuxième cassette.

A’Salfo est affirmatif :  » Notre troisième album, le deuxième chez Virgin, va montrer notre capacité à nous diversifier. C’est ça qui est la vérité est l’album de la confirmation. « 
Sur cet album, A’Salfo (Salif Traoré), Manadja (Fany Adama), Tino (Bouébi Etienne) et Sodoua Narcisse semblent bien loin du champ zouglou, leur terrain de prédilection. Quatre compositions seulement collent à la satire sociale ( » Petit Pompier « ), à la parole populaire ( » Doubéhi « ), à la chronique urbaine ( » Amedjro « ), et à la sagesse conseillère ( » Aventurier « ). Ce n’est là qu’un tiers du CD qui reste fidèle à l’esprit et au son originel des garçons de Marcory.
 » Petit Pompier  » ouvre l’album avec l’une de ces histoires du cru ivoirien, de celles des plus croustillantes qui se racontent dans les arrière-cours, dans les casse-croûte populaires, les fameux maquis, les buvettes ou les kiosques  » Café-Spagueti « . Elle croque un vieux paysan planté dans le décor abidjanais, la métropole ivoirienne. Vié Digbeu est planteur de café cacao. Il voyage souvent à Abidjan. Malgré sa femme de feu au village, il lui faut sa femme de feu à la capitale. Il s’attache donc à une petite urbaine dont il paye le loyer. Mais il ignore que derrière chaque femme de feu se cache un petit pompier…
Un jour, Vié Digbeu frappe très tôt le matin chez sa petite urbaine. C’est José qui lui ouvre. José, c’est le Petit Pompier de sa femme de feu de la capitale. Comme si de rien n’était, la petite femme de feu fait la conversation aux deux. C’est quoi vos signes d’horoscope ? José lance fièrement qu’il est lion. Vié Digbeu répond lourdement qu’il est mouton. L’histoire ne dit pas ce que fera Vié Digbeu cocufié et humilié, mais elle conclut :  » C’est parce qu’il est mouton qu’il paye maison pour que petit lion va dormir dedans « .
Où sont les histoires de quartier ?
 » Doubehi « , moins inspiré, critique les amis de l’époque de la galère, ceux qui prennent de la distance à cause de son succès (allusion à A’Salfo lui-même) et de sa réussite sociale.  » Amedjro  » se veut une complainte sur la condition de l’artiste, pillé par les producteurs et les maisons de disques, sa vie privée étalée sur la place publique par les journalistes. « …de jeunes garçons d’Anoumabo voulaient faire la musique, ils ne savaient pas ce qui les attendait… C’est pas facile tes amis deviennent tes ennemis, toujours en train de dire quelque chose sur toi…  »  » Aventurier  » donne des conseils à tous ceux qui tentent leur chance de réussite en Occident. Bonjour la morale !
Ces morceaux rendent toute la mesure du jeu vocal d’A’Salfo : une voix éraillée jouant tous les personnages mis en scène et qui se fait pleureuse pour souligner la dramaturgie des histoires. Les textes, chargés de l’humour caractéristique de la locomotive du Magic System, collent à son environnement social.
À part ces quelques titres, le quatuor de Marcory-Anoumambo (1) nous sert du reggae ( » Tikilipo « ), de la R&B aux relents hispaniques ( » Ambiance à gogo « ), de la dance-hall ou de l’électro façon tropicale ( » Bouger Bouger « ,  » Kapa « ) et des featuring comme on fait chez les grands…
Les maquis d’Abidjan, les dibiteries de Dakar, les grains de Bamako, les circuits de Douala, les souks d’Oran et les clubs de Paris attendaient tous de voir à quoi ressemblerait ce nouvel opus de Magic System. Resterait-t-il toujours porteur des histoires du quartier, de ses images, de ses personnages, de son atmosphère ?
Le résultat n’est pas très rassurant. Les formations du bled récupérées et rendus insipides par les majors ne se comptent plus. Les fans de la première heure s’inquiétaient et répétaient :  » Celui qui a déjà été mordu par un serpent bondit à la vue d’un verre de terre « . Ils seront nombreux à regretter les productions des débuts, celles de  » la brousse « …

1. Quartier populaire d’AbidjanC’est ça qui est la vérité, de Magic System, Virgin Musique, 2005.///Article N° : 3924

  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Laisser un commentaire